De 2009 à 2014, cinq années se sont écoulées, marquées par une permanence d’initiatives ayant pour finalité de produire des connaissances scientifiques et médicales au service de la protection de la santé des ouvriers dockers et agents d’exploitation du Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire, 1er port de la façade atlantique se classant au 5ème rang des places portuaires au niveau national.
2009, une année, suite à l’expertise sociale menée par l’APPSTMP 44, qui a révélé un taux anormalement élevé de pathologies cancéreuses, et leur corollaire, la souffrance physique et morale, des décès d’ouvriers dockers, à des âges où les projets de loisirs, de voyages, sont naturels, à l’approche d’une retraite méritée.
Certaines conditions de travail sur les quais peuvent faire avorter la perspective d’une retraite ouverte sur d’autres horizons ! Nombre de dockers, quelques temps avant de faire valoir leur droit à la retraite ou peu d’années après, ont dû lutter, ou luttent contre la maladie. Certains, ont, à l’issue de traitements toujours lourds, enregistré une rémission de leur pathologie, pour d’autres, toujours trop nombreux, la maladie les a emportés, laissant place aux drames familiaux et affectifs qui en ont découlés.
Les actions engagées ont bousculé le contexte établi ! La chape de plomb, qui entretient le silence inhérent aux conséquences sur la santé des conditions de travail et des environnements professionnels, s’est fissurée peu à peu pour éclater au grand jour, notamment lors des conférences tenues en mars 2011 à Nantes, et 2014 à Saint -Nazaire.
La procédure de reconnaissance de maladie professionnelle engagée par Jean-Luc Chagnolleau pour son cancer du rein en 2007 et de la thyroïde en 2009, la dimension collective de son combat pour toute la profession, l’écho médiatique qui l’a accompagné, la solidarité des portuaires qui ne s’est jamais démentie lors de l’examen de son dossier en audiences du TASS de Loire-Atlantique, ont créé les conditions d’un large débat interpellant la puissance publique et les institutions, telles la médecine du travail, la DIRECCTE, les collectivités territoriales à l’exemple du Conseil régional des Pays de la Loire, le secteur mutualiste - AGRR, Harmonie Mutualité - qui ont subventionné le programme de « recherche et action » ESCALES.
Le chemin parcouru est important !
Nous sommes à présent dépositaires d’un rapport scientifique qui répertorie une liste de cancérogènes et confirme la poly-exposition des ouvriers dockers et agents portuaires lors des opérations de manutention des marchandises sur les navires en escale sur les sites de Nantes et de Montoir/Saint-Nazaire.
Cet acquis, nous tenons à le mettre à la disposition de l’ensemble des ouvriers dockers et agents portuaires du G.P.M. de Nantes Atlantique. Il constitue la première littérature médicale et scientifique spécifique à la profession. C’est une production de nouveaux savoirs résultant de la connaissance des dockers, qui se sont révélés des experts sur l’histoire de leur métier, lors des entretiens relatifs à la reconstitution de leur carrière et au transit des marchandises sur les quais du port de Nantes Saint-Nazaire.
Une première étape est franchie.
Ce guide des maladies professionnelles devrait vous permettre, si vous êtes atteints d’une pathologie en lien avec votre travail, ou l’un de vos proches, de mieux connaître vos droits et les procédures à engager face aux logiques procédurières du Code de la Sécurité sociale et à la complexité des textes. Nous espérons qu’il soit un outil utile pour vous accompagner dans vos démarches.
Fraternellement
Le bureau de l’APPSTMP 44
Ce guide a été construit sur la base de l’expérience de la reconnaissance des cancers, principale pathologie identifiée par l’étude Escales, mais il reste valable pour les autres maladies.
- UN PETIT POINT D’HISTOIRE -
Le travail, on le sait, ce n’est pas toujours la santé : au contraire, il est souvent responsable d’accidents, de maladies, de l’usure tout simplement. Depuis 1919, une loi sur la « réparation » des maladies professionnelles permet tout à la fois la reconnaissance de la responsabilité du travail dans la survenue de cette maladie et sa « réparation », c’est-à-dire son indemnisation.
Cette loi reprend les grands principes de celle sur les accidents du travail, votée en 1898, et qui instaure un système de type assurantiel : la maladie peut être indemnisée, à condition de répondre à certains critères (les tableaux de maladies professionnelles), mais l’indemnisation ne sera que partielle (« réparation forfaitaire »). La maladie est donc perçue comme un « risque professionnel » inhérent au monde du travail et pour lequel les employeurs vont s’assurer pour indemniser les travailleurs malades. Dès sa création en 1945, la Sécurité sociale prend en charge la gestion de ce risque.
Il faudra près de 20 ans d’intenses débats parlementaires avant que la loi sur les accidents du travail (1898) ne s’élargisse aux maladies professionnelles. Elles sont pourtant déjà très nombreuses du fait du développement de la chimie et de l’usage de produits toxiques. La loi de 1919 sur la réparation des maladies professionnelles s’organise au départ autour de deux tableaux, le premier relatif aux maladies causées par le plomb et le second relatif aux maladies causées par le mercure, deux « poisons violents » qui déciment les ouvrier-e-s. Il en existe aujourd’hui 120, qui concernent plusieurs familles de pathologies : des intoxications aiguës ou chroniques provoquées par des agents nocifs, des affections microbiennes, des affections résultant d’une ambiance ou d’attitudes particulières (bruits, pression, etc.).
Il existe 22 tableaux concernant les cancers (données 2014), sur différentes localisations (poumons pour la plupart, mais aussi rein, foie, cerveau, sang, sinus…) en lien avec une quinzaine de substances (amiante, silice, brai de houille, poussières de bois, amines aromatiques, arsenic, benzène, rayonnements ionisants, chlorure de vinyl…).
La liste des tableaux est disponible sur le site de l’INRS :
www.inrs-mp.fr avec des entrées par mots clés par tableau, par maladie, par substances, par activité.
- LA MALADIE PROFESSIONNELLE : UNE DÉFINITION MÉDICO-ADMINISTRATIVE -
Si l’accident du travail est relativement facile à identifier - un événement brusque et soudain dans un lieu déterminé - sur quels critères se baser pour dire d’une maladie qu’elle est professionnelle ? Prenons le cas d’un cancer par exemple. Il survient au terme d’un long délai de latence, jusqu’à 50 ans après avoir été exposé aux fibres dans le cas de l’amiante. Il n’est pas le résultat d’une seule et unique cause mais le fruit d’une histoire, individuelle et collective : on parle de maladie multifactorielle. Il est très difficile de fixer un point de départ à la maladie et, rien le plus souvent, ne distingue médicalement un cancer lié au travail d’un autre cancer.
Ces caractéristiques sont communes à d’autres pathologies.
Alors comment prouver la responsabilité du travail ? Quel est l’emploi concerné dans un parcours professionnel morcelé, avec des expositions qui ont pu se cumuler ? Est-ce l’employeur actuel qui serait responsable ou celui d’il y a 30 années en arrière ?
En votant la loi sur la réparation des maladies professionnelles, le législateur a donc dû innover :
il a établi une liste de critères tant médicaux que techniques et administratifs,
regroupés dans des « tableaux de maladies professionnelles ».
Ainsi, toute maladie en lien avec le travail ne sera pas pour autant reconnue comme « maladie professionnelle » : elle doit correspondre strictement aux critères inscrits dans un tableau.
- LES TABLEAUX DES MALADIES PROFESSIONNELLES -
Selon l’alinéa 2 de l’article L461-1 du Code de la Sécurité sociale :
« Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».
Ces tableaux se présentent tous de la même façon. Ils sont organisés en trois colonnes qui correspondent à :
La désignation de la maladie, des symptômes ou lésions pathologiques
Les termes figurant dans cette colonne sont essentiels (voir également page 21) : même s’ils ne correspondent pas à la manière dont votre médecin a désigné votre maladie (il peut parfois s’agir de la même pathologie).
Le délai de prise en charge
Il s’agit du délai qui sépare la fin de l’exposition au risque nocif et le diagnostic de la maladie. Ce délai de prise en charge est très variable selon les pathologies : il peut être de 3 jours dans le cas d’une conjonctivite provoquée par des rayonnements ionisants (tableau 6) et de 40 ans dans celui de plaques pleurales provoquées par l’amiante (tableau 30). La date de fin de l’exposition au risque peut correspondre à la date du départ en retraite mais aussi à celle d’un changement de poste ou d’employeur ou encore d’une évolution des procédés de travail.
La liste « indicative » ou « limitative » d’activités
Vos activités ou certaines de vos activités doivent correspondre strictement à l’un des travaux de la liste limitative ou s’apparenter à la liste indicative des principaux travaux (tous les travaux exposant à la substance mentionnée dans le titre du tableau sont alors concernés).À ces trois colonnes, s’ajoutent parfois d’autres critères comme la durée d’exposition au risque, des seuils de nuisance ou encore des exigences diagnostiques, c’est-à-dire que certaines maladies doivent avoir été caractérisées par tel ou tel type d’examens médicaux, de mesure et/ou de résultat (comme un scanner, une audiométrie, la mesure d’un toxique dans le sang…). Si votre pathologie correspond à tous les critères d’un tableau, vous bénéficiez alors de la présomption d’imputabilité : vous n’avez pas à faire la preuve du lien entre le risque auquel vous avez été exposé et votre maladie, mais juste à faire la preuve de votre maladie et la preuve d’avoir été exposé au risque de façon habituelle.
Les critères des tableaux sont très restrictifs et ne correspondent pas souvent à la réalité du travail et des expositions. Construits sur le modèle d’une seule et même activité durant toute la vie professionnelle et sur un seul et unique agent nocif, ils ne permettent pas d’instruire des situations, pourtant fréquentes, de flexibilité du travail, de carrières morcelées et de forte polyvalence, tout comme ils ignorent l’exposition successive ou simultanée à plusieurs agents toxiques. C’est pourtant la situation de nombreux dockers et agents portuaires confrontés à une forte poly-exposition, comme l’étude Escales l’a mis en évidence. En cas de maladies professionnelles, ils pourront solliciter par l’intermédiaire de la CPAM, les Comités régionaux de reconnaissance en maladies professionnelles (CRRMP).
- LES CRRMP -
Il existe depuis 1993 un système complémentaire à celui des tableaux reposant sur un collège de trois médecins au sein de Comités régionaux de reconnaissance en maladies professionnelles (CRRMP) dont l’avis s’impose à la Caisse.
Il permet d’instruire les dossiers de déclaration en maladie professionnelle dans deux situations :
Lorsque « une ou plusieurs conditions, tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies ». Dans ce cas, le collège de médecins doit se prononcer sur l’existence d’un lien « direct » entre la maladie et le travail.
Lorsque la maladie ne figure pas dans un tableau mais qu’elle résulte de l’activité professionnelle de la victime et a entraîné une incapacité permanente de 25 % au moins ou son décès. Dans ce cas, le collège de médecins doit se prononcer sur l’existence d’un lien « direct et essentiel » entre la maladie et le travail. Dans le cadre de ce système complémentaire, la présomption d’imputabilité disparaît et vous devrez alors faire la preuve du lien direct - voire direct et essentiel - entre votre maladie et vos activités professionnelles.
D’une région à l’autre, il existe une large hétérogénéité dans les décisions rendues, preuve de leur caractère davantage subjectif. Créé pour suppléer les limites des tableaux, ce système devait favoriser la création de nouveaux tableaux par l’identification de nouvelles maladies liées au travail. De nombreux rapports officiels démontrent que cet objectif est loin d’être atteint.
Si le travail est à l’origine de votre maladie, vous pouvez donc la déclarer auprès de votre organisme d’assurance maladie. Mais le plus souvent, ces démarches ne sont pas accomplies : le contexte de la maladie n’est effectivement pas le plus opportun pour s’y engager. Et le plus souvent personne ne vous y encourage, pas même le corps médical.
À quoi sert de déclarer sa maladie en maladie professionnelle ?
Faire reconnaître sa maladie en maladie professionnelle, c’est faire reconnaître que le travail en est à l’origine. Être malade du travail, ce n’est pas seulement être malade, c’est payer le prix d’un défaut de prévention, d’une exposition à des risques qu’il faut éliminer : cela mérite bien réparation pour les préjudices subis.
- ENJEUX INDIVIDUELS -
Pour vous, être reconnu en « maladie professionnelle » ouvre plusieurs droits
- Si vous êtes en arrêt de travail : les indemnités journalières sont d’un montant plus élevé que les IJ en maladie simple
- Si un taux d’IPP (incapacité permanente partielle) supérieur à 10% est défini : vous bénéficierez d’une rente de maladie professionnelle, mensuelle ou trimestrielle selon le montant
- Éventuellement, des possibilités de reclassement professionnel
- En cas de licenciement pour inaptitude (seul motif alors valable) : des indemnités majorées
- Le droit à la retraite à 60 ans pour inaptitude
En cas de décès de la victime (décès en lien avec la maladie professionnelle), les ayants droit pourront également bénéficier de certains droits, notamment une part de la rente due à la victime (voir page 43).
- ENJEUX COLLECTIFS -
Cette reconnaissance permet également d’améliorer la connaissance des risques professionnels existants : toute maladie reconnue est en effet l’indice par excellence d’un risque à éliminer.
Elle devrait favoriser les politiques de prévention, étant donné que les maladies professionnelles sont prises en charge (frais des soins et montant de la réparation) par la branche ATMP de la Sécurité sociale, financée par les seuls employeurs.
Elle favorise enfin l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale puisqu’elle fait reposer sur la branche ATMP le coût de maladies qui sont autrement prises en compte par la branche maladie, financée par la collectivité des travailleurs salariés.
Avant de vous engager dans ces démarches, il faut savoir si votre pathologie peut être d’origine professionnelle, c’est-à-dire si vous avez été exposé, dans le cadre de votre travail, à des risques susceptibles de provoquer cette maladie.
- IDENTIFIEZ VOTRE MALADIE LE PLUS PRÉCISÉMENT POSSIBLE -
Certains gestes répétitifs peuvent ainsi être à l’origine de TMS et vous pouvez les identifier. Dans le cas des cancers, la recherche d’un lien est plus compliquée. Mais l’étude Escales que nous avons initiée rend compte des conditions d’exposition aux cancérogènes et recense plusieurs cas de cancers parmi nos (anciens) collègues. Si vous vous reconnaissez dans ces situations et si vous êtes atteints d’une pathologie cancéreuse, vous pouvez sans doute vous engager dans ces démarches. Pour cela, il faut d’abord connaître avec exactitude et précision de quelle maladie vous êtes atteint. Le nom donné à votre maladie par le médecin ne suffit pas. Pour une même pathologie, il existe de multiples nuances cliniques, dont la nature peut favoriser ou entraver la reconnaissance en maladie professionnelle. Pour un cancer par exemple, il faut savoir si la localisation (poumon, sang, etc) est « primitive » ou non. Il convient donc de récupérer les pièces de votre dossier médical, comme la loi vous y autorise, soit auprès de votre médecin traitant, soit auprès du service hospitalier où vous êtes soigné. D’autres maladies (cardiovasculaires par exemple) peuvent trouver leur origine dans votre activité professionnelle mais ce lien doit encore être exploré, à l’appui de la littérature scientifique.
L’association peut vous fournir les modèles de courrier nécessaires et vous aider ensuite à déchiffrer ce langage médical très spécialisé.
- NE RESTEZ PAS SEUL : LA BATAILLE EST COLLECTIVE -
Si la reconnaissance en maladie professionnelle est un droit, l’obtenir ne va pas de soi. Elle nécessite que vous puissiez vous approprier le sens de cette procédure mais aussi ses termes, son langage médico-légal, en connaître les pièges et les impasses. Loin d’être un simple acte administratif (je dépose mon dossier et j’attends), la déclaration en maladie professionnelle s’apparente souvent à un « parcours du combattant » : la procédure est complexe, les courriers parfois incompréhensibles, les délais très longs pour des réponses parfois négatives, de quoi pouvoir vous décourager. L’une des premières leçons que nous retirons de notre expérience c’est qu’il vaut mieux passer du temps en amont à construire un dossier solide que d’essayer ensuite de contester un refus.
Un conseil, ne vous lancez pas seul dans l’aventure, venez-en discuter lors des permanences de l’association. Les (anciens) dockers et agents portuaires ont un atout que les salariés d’autres secteurs n’ont pas : le collectif de travail (ou de retraités) existe toujours et, avec lui, la mémoire des activités et des expositions. Profitons-en ! L’accès au droit à reconnaissance est aussi une bataille et, collectivement, nous pouvons la gagner.
- QUI DOIT DÉCLARER ? -
Contrairement aux modalités de déclaration d’un accident du travail, c’est à vous de déclarer votre maladie en tant que maladie professionnelle. Si la personne concernée est malheureusement décédée, la déclaration peut également être faite par son ou sa conjoint-e et/ou ses enfants.
- QUI SONT LES AYANTS DROITS ? -
Au sens du droit de la Sécurité sociale, sont considérés comme ayants droit et susceptibles de pouvoir bénéficier d’une indemnisation si le décès de leur conjoint-e ou parent est reconnu en maladie professionnelle.
- Le ou la conjoint-e (époux ou épouse, pacsé-e ou vivant en concubinage)
- Les enfants mineurs jusqu’à leur 20 ans révolus
- Les ascendants, s’ils vivent sous le même toit que l’assuré et sont à sa charge
Il est possible de déclarer même si vous n’avez pas ou plus le statut d’ayant droit : le but ne sera plus l’indemnisation mais la mise en visibilité des risques.
- JUSQU’À QUAND POUVEZ-VOUS DÉCLARER VOTRE MALADIE PROFESSIONNELLE ? -
Vous disposez d’un délai maximum de 2 ans à partir de la date à laquelle vous avez été informé par un certificat médical (Certificat médical initial en maladie professionnelle) du lien possible entre votre maladie et votre activité professionnelle. Il existe une exception : les pathologies inscrites aux tableaux 30 et 30 bis (provoquées par l’amiante) et diagnostiquées entre 1947 et 1998 peuvent toujours donner lieu à déclaration (article 40 de la loi du 23 décembre 1998).
Ainsi, si vous êtes atteint d’une maladie depuis 5 ans mais que vous venez seulement d’apprendre que celle-ci pouvait être d’origine professionnelle, vous avez encore la possibilité de déclarer votre maladie, sur la base d’un certificat médical établi par le médecin, et ce pendant encore 2 ans.
Si la maladie n’a pas été déclarée du vivant de la personne, il est également possible de la déclarer après un décès, sur la base d’un certificat médical qui établi le lien entre la maladie, le décès et les activités professionnelles du défunt.
- COMMENT DÉCLARER ? -
Par manque de formation, d’expérience ou faute de conviction, de nombreux médecins ne veulent pas rédiger ces CMI : il est donc possible que vous vous heurtiez à un refus. D’autres les rédigent sans connaître les exigences médico-légales alors même que l’aboutissement de votre dossier de déclaration peut dépendre de la bonne rédaction du CMI. Parce que celle-ci est une étape essentielle dans votre démarche, l’association peut vous aider à identifier des médecins davantage formés à ces questions.
Le formulaire de déclaration en maladie professionnelle
La déclaration ne doit pas être rédigée sur papier libre mais doit obligatoirement s’appuyer sur un formulaire réglementaire (Cerfa S6100b) : vous pouvez vous le procurer auprès de votre Caisse ou antenne de Sécurité sociale, auprès de l’association ou le télécharger en ligne sur www.ameli.fr. Le premier pavé concerne votre identité et vos coordonnées (ou celle de la personne malade en cas de décès). Sur le deuxième doivent être inscrits le nom et les coordonnés de votre dernier employeur et, s’il existe un siège social distinct du lieu de votre travail. Sur le troisième, il s’agit de mentionner vos périodes d’activité, celles qui selon vous ont contribué à votre maladie, employeur par employeur (si vous en avez eu plusieurs) et poste par poste, depuis le début de votre vie professionnelle. Elles doivent pouvoir être justifiées par des certificats de travail et/ou des fiches de paye, voire le relevé de carrière à condition qu’il mentionne bien les noms des employeurs. Si la liste est trop longue, vous pouvez renvoyer à la copie de votre relevé de carrière. Le dernier pavé est à remplir dans le cas où la victime est décédée et que le formulaire est rempli par son ou sa conjoint-e et/ou ses enfants.
Le CMI (en deux exemplaires) : sans ce certificat, impossible de déclarer votre maladie.
Il doit être rédigé par un médecin, de préférence le praticien spécialiste qui vous soigne. Il peut être rédigé sur papier libre mais le formulaire Cerfa est davantage apprécié par la CPAM (n°S6909). Le médecin doit y indiquer la date de la « première constatation médicale de la maladie concernée », le nom de cette maladie, mais en reprenant les termes exacts qui figurent aux tableaux et non pas les termes qu’il a l’habitude d’utiliser. Par exemple, et même si cela veut dire la même chose, il est préférable d’écrire « cancer bronchopulmonaire primitif » que « carcinome épidermoïde du poumon » de même que « hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d’acouphènes » que surdité.
En tout état de cause, il faut toujours partir du guide des tableaux de maladie professionnelle avant de rédiger un CMI.
Le médecin doit aussi vérifier que les examens exigés dans les tableaux pour confirmer le diagnostic de la maladie ont été réalisés. Par exemple, dans le cas d’une surdité, il faut qu’elle ait été confirmée par « une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes » (et chaque mot compte) ; dans le cas d’une tendinopathie de l’épaule, il faut qu’elle ait été « objectivée par une IRM ». Il doit ensuite mentionner l’exposition professionnelle concernée. Attention, cela ne veut pas dire qu’il atteste de l’origine professionnelle de la maladie mais seulement qu’il la soupçonne : seule la Caisse est habilitée à qualifier (ou non) le caractère professionnel de la maladie. Si le praticien n’est pas le témoin direct des expositions (tel que pourrait l’être le médecin du travail), il convient de rédiger le certificat au conditionnel ou avec la mention qu’il se base sur vos dires pour l’établir. Pour finir, il ne doit surtout pas oublier de dater le certificat, date qui a valeur de point de départ du délai de prescription de deux ans (pour pouvoir l’utiliser, il ne devra donc pas dater de plus deux ans).
Il importe que votre dossier de déclaration soit le plus précis et le plus riche possible.
Pour cela, il vous faut apporter les preuves :
- De vos activités de travail : il vous faudra joindre dans la mesure du possible vos certificats de travail et/ou fiches de paye, mais il se peut que ceux-ci ne donnent qu’une illustration partielle de vos activités réelles de travail voire même qu’ils ne les mentionnent pas du tout. Il peut alors être utile d’y ajouter deux ou trois témoignages de collègues ou anciens collègues (modèle à se procurer auprès de l’association) qui attestent de vos activités : époque, lieux, conditions de travail en lien avec votre maladie, etc.
- De vos conditions de travail et d’expositions : là encore, il peut être utile de réunir deux ou trois témoignages de collègues ou anciens collègues qui attestent de vos expositions (il peut s’agir des mêmes que précédemment) : quand, où, pendant combien de temps, à quelles occasions, avec ou sans protection, etc. Le carnet journalier du docker, si vous l’avez conservé, peut constituer à cet égard une pièce essentielle de votre dossier. Certaines mentions, comme par exemple une prime de salissure sur une fiche de paye, peuvent évoquer vos conditions de travail, certains rapports du CHSCT aussi : ne les négligez pas.
Demandez aussi un double de votre dossier médical du travail, auprès du service de santé au travail ou auprès de l’inspection médicale du travail.
GIST Groupement inter-professionnel de santé au travail
28 rue des chantiers
44600 Saint-Nazaire
02 40 22 52 42
Médecine du travail de Nantes
2 rue Linée
44100 Nantes
02 40 44 26 00
DIRECCTE des Pays de la Loire Inspection médicale du travail
28 mail Pablo Picasso
BP24209
44042 Nantes cedex 1
02 53 46 79 00
Le rapport scientifique de l’étude Escales apporte de nombreux éléments qui peuvent soutenir votre dossier. N’hésitez pas à vous rapprocher de l’APPSTMP 44 pour construire votre dossier.
Si votre pathologie ne figure pas sur un tableau de maladies professionnelles, et ce sera souvent le cas, votre dossier sera instruit par le CRRMP. Tout en haut du formulaire de déclaration, il conviendra alors de cocher la case « demande de reconnaissance de maladie professionnelle ». Pour construire son avis, le collège des trois médecins est invité à respecter un guide qui mentionnait, dans une version ultérieure, une liste de questions sur laquelle il est utile de s’appuyer pour construire l’argumentaire de son dossier :
- L’atteinte est-elle susceptible d’être d’origine professionnelle ?
- À quels risques/nuisances cette atteinte peut-elle être imputée ?
- Ces risques sont-ils présents dans votre poste de travail ?
- L’atteinte peut-elle être imputée à d’autres facteurs notables, non professionnels ?
- D’autres données, dans la littérature scientifique (surtout épidémiologique) confirment-elles le lien entre la maladie et le risque ?
- N’hésitez pas à demander l’avis du médecin du travail
Là encore, l’APPSTMP 44 peut vous aider à construire l’argumentaire, en s’appuyant sur son réseau d’experts et de spécialistes déjà mobilisés autour de l’étude Escales.
Pour finir, et même si cela n’est pas demandé, n’oubliez pas de rédiger un courrier pour accompagner votre dossier de déclaration (en mentionnant en tête votre numéro de Sécurité sociale ou celui de la personne concernée par la déclaration) et qui détaille son contenu et énumère notamment les pièces et documents fournis.
Il arrive effectivement que des éléments du dossier se perdent durant l’instruction ou ne soient pas transmis aux personnes en charge de l’instruction : ce courrier fera alors office de bordereau de pièces jointes.
- AUPRÈS DE QUI DEVEZ-VOUS DÉCLARER ? -
La déclaration doit être faite auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), dont vous relevez, le plus souvent celle de votre domicile. Il vous revient alors d’envoyer votre dossier de déclaration ainsi constitué, de préférence en lettre recommandée avec accusé de réception. La date d’enregistrement de votre déclaration est en effet très importante pour la suite : elle détermine notamment le début des délais légaux d’instruction.
D’expérience, il est fortement recommandé de conserver toutes les traces et preuves de vos échanges de courrier avec la Caisse (accusés de réception, enveloppes avec le tampon de la poste, copies des courriers envoyés…) dans la perspective d’un éventuel contentieux.
- COMBIEN DE TEMPS DURE L’INSTRUCTION ? -
La Caisse a légalement 3 mois pour instruire votre dossier. En cas de besoin, ce délai peut être prolongé de trois mois supplémentaires, dans ce cas vous devez en être informé par courrier recommandé.La décision doit donc être rendue dans les 6 mois qui suivent l’enregistrement de votre dossier. C’est le plus souvent vrai dans les cas où la maladie répond à tous les critères d’un tableau. Mais lorsque le dossier est transmis au CRRMP, plusieurs mois peuvent s’écouler sans qu’un avis ne soit rendu. En l’absence de cet avis, la CPAM, tenue par le délai légal des 6 mois, vous adressera un refus « dans l’attente de l’avis du CRRMP », c’est-à-dire un refus qui n’est pas définitif. Aussi dans les faits – et à contrario des dispositions prévues par le Code de la Sécurité sociale – la réponse définitive peut vous être transmise plusieurs mois plus tard. Elle doit toujours être notifiée par lettre recommandée avec avis de réception.
- UNE VIGILANCE PERMANENTE -
D’expérience, il ne suffit pas de déposer votre dossier et d’attendre. Bien au contraire, il convient d’être vigilant tout au long de la procédure : de suivre, de vérifier, d’interpeller, d’enrichir…
D’une part, votre dossier peut être confronté à des dysfonctionnements. La CPAM, comme d’autres administrations, a connu de nombreuses réorganisations et fait le choix de réduire les points d’accueil au profit de plateformes téléphoniques et de son site Internet ; ses téléconseillers n’ont pas été formés aux questions pointues des ATMP. On a aussi pu voir des courriers perdus ou jamais réceptionnés.
D’autre part, les inspecteurs en charge de l’instruction de votre dossier ne sont pas outillés pour mener des enquêtes fines et précises. En plus de vous entendre, vous et votre employeur, ils sollicitent parfois l’inspecteur du travail, l’ingénieur prévention de la CARSAT : ceux-ci ne savent pas toujours quoi et comment répondre.
Soyez , avec l’aide de l’association, le propre artisan de votre dossier, apportez le maximum de preuves. Conservez toujours un double de tout ce que vous adressez à la CPAM. Sur tout courrier que vous leur adressez, y compris des formulaires, n’oubliez pas de mentionner votre numéro de sécurité sociale et l’objet. Conservez également tous les courriers que vous recevrez de la Caisse, les enveloppes et les accusés de réception.
Bon à savoir : vérifier que votre dossier est bien enregistré, parce que de cette date dépendent ensuite les délais d’instruction. Soyez attentif à recevoir le courrier dit « des 3 mois » que la Caisse est tenu de vous envoyer par lettre recommandé avec accusé de réception. Si vous êtes invité à « consulter les pièces du dossier », ne négligez surtout pas cette invitation : c’est la possibilité pour vous de voir la version de la partie adverse (l’employeur) mais aussi d’enrichir votre dossier de nouvelles pièces, nouvelles preuves.
- COMMENT SE DÉROULE L’INSTRUCTION ? -
Elle se déroule en plusieurs étapes et associe plusieurs acteurs.
Au sein de la Caisse, c’est un service spécifique qui s’occupe de l’instruction de votre dossier, le service risques professionnels. A partir du moment où il accuse réception de votre dossier, il doit vous envoyer un courrier vous informant que l’enquête pour qualifier (ou non) votre maladie (ou celle de votre conjoint et/ou père) de maladie professionnelle a débuté. Souvent, il vous est demandé de remplir un questionnaire.
Ce service adresse dans le même temps une copie de votre déclaration à votre (dernier) employeur, accompagnée du CMI, parce que l’instruction se déroule selon le principe dit du « contradictoire ». chacune des parties, le salarié et l’employeur, sont invités à défendre leur point de vue, ils reçoivent tous deux un questionnaire portant sur les risques rencontrés au poste de travail.
Dans les faits, le salarié ignore le plus souvent la nature des produits auxquels il a été exposé et ne connaît pas la procédure, quand l’employeur, lui, n’a pas conservé la trace de ces produits (archives détruites par exemple) et peut bénéficier du conseil de cabinets de juristes spécialisés dans le droit de la Sécurité sociale.
L’instruction elle-même comprend deux volets : un volet médical, assuré par le service médical, un volet administratif, assuré par le service administratif.
Ces deux services ne dépendent pas des mêmes hiérarchies et sont souvent cloisonnés entre eux. Il faudra, au cours de l’instruction, veiller à ne pas se tromper d’interlocuteur.
Du côté médical
Le médecin conseil va vérifier le diagnostic inscrit sur le CMI. Pour cela, il peut demander des pièces médicales, images et comptes rendus d’examen au praticien ayant rédigé le CMI et/ou vous convoquer.
En général, il s’adresse au médecin concerné. S’il n’obtient pas de réponse, le dossier est alors refusé. Il est donc très utile de réunir toutes les pièces médicales vous concernant (voir partie précédente) pour en transmettre des copies si nécessaire.
C’est lui qui oriente ensuite l’instruction, dit si votre maladie peut être rattachée à un tableau ou si elle se situe « hors tableau ». Il peut également réfuter le diagnostic ou demander des investigations supplémentaires.
Du côté administratif
Votre dossier va être confié à un inspecteur ATMP qui, dans le cas des pathologies graves, comme les cancers, doit procéder à une enquête. Celle-ci prend souvent la forme d’une « audition » : selon les Caisses, l’inspecteur peut se rendre à votre domicile pour vous interroger sur vos activités réelles de travail et se rendre également au siège de l’employeur concerné (le dernier lorsqu’il y en a plusieurs) pour l’interroger. Il peut aussi mener son investigation par entretien téléphonique ou correspondance postale. Il reconstitue ainsi votre carrière professionnelle et sollicite l’inspecteur du travail et/ou le service prévention de la CARSAT pour savoir s’il existe ou existait des risques à votre poste ou dans votre secteur d’activités.
De la réponse de ces acteurs peut dépendre l’issue finale de votre demande. Or, Il arrive que ces interlocuteurs ne répondent pas ou disent qu’ils ne peuvent se prononcer parce qu’ils ne connaissent pas l’entreprise à l’époque des expositions. Ce genre de réponse pèse lourd, la CPAM va alors estimer que « le risque ne peut être établi », d’où l’importance de présenter en amont un dossier le plus étayé possible.
Si la maladie ne correspond pas strictement aux tableaux de MP ou si elle ne figure pas aux tableaux, votre dossier est orienté, au terme de cette première enquête, vers le CRRMP de votre région. Vous devez alors en être informé et la Caisse doit vous inviter au préalable, vous et l’employeur concerné, à venir consulter les pièces administratives du dossier qui va être transmis au CRRMP. C’est une étape importante : il est en effet essentiel de savoir de quoi votre dossier est constitué, de quels documents, quelle est l’appréciation du médecin conseil, comment l’enquête s’est déroulée, quelle est la version de votre employeur, etc. Vous pourrez alors, s’il le faut, apporter de nouvelles pièces à l’instruction. Vous pouvez également demander l’accès aux pièces médicales pour prendre connaissance notamment de l’avis du médecin du travail.
Au terme des 6 mois d’instruction (ou plus dans le cas d’un passage devant le CRRMP), vous recevrez une notification : de prise en charge de votre maladie (elle sera donc reconnue) ou de refus de prise en charge.
Il existe des refus dits « suspensifs », ceux que la Caisse est obligée de vous signifier dans l’attente de l’avis du CRRMP. Cela ne veut pas dire que votre dossier est classé, au contraire, l’instruction se poursuit devant le CRRMP.
En cas de refus de reconnaissance, ou de refus suspensif, il est possible de recourir au contentieux pour contester ces décisions. Cette possibilité est à examiner attentivement au cas par cas, à la lumière des éléments de votre dossier : l’association peut évaluer avec vous l’opportunité du contentieux.
Une fois votre maladie reconnue en maladie professionnelle, il reste plusieurs étapes à franchir, avant d’obtenir votre indemnisation. Même si les CPAM sont invitées à réduire les délais, elles n’ont toutefois aucune obligation réglementaire en la matière. Ceux-ci peuvent alors différer grandement d’un dossier à l’autre.
- UNE OBLIGATION : LA CONSOLIDATION -
Tout d’abord, il est nécessaire que votre maladie soit « consolidée ». Cette notion qui ne signifie pas grand chose d’un point de vue médical, est toutefois indispensable d’un point de vue administratif.elle vise a arrêter une date à laquelle votre état peut être considéré comme « stable » afin que le médecin conseil puisse déterminer un taux d’incapacité permanente partielle (IPP), dont dépend le calcul de votre indemnisation à venir.
C’est au médecin conseil de la Caisse de fixer une date de consolidation de votre maladie, date importante puisqu’elle conditionne le point de départ de l’indemnisation à laquelle vous pouvez prétendre.
Les médecins conseil n‘ont pas tous les mêmes pratiques : certains fixent d’eux-mêmes la date de consolidation, d’autres attendent un certificat médical final de maladie professionnelle (CMF) établi par votre médecin, avant de se prononcer. Il est donc fortement recommandé de se procurer ce CMF auprès de son médecin et de le transmettre à la CPAM sans attendre. Il s’agit du même formulaire que le CMI sur lequel il faut cocher « final » à la place « d’initial » et cocher également « consolidation avec séquelles ».
De nombreux médecins, parce qu’ils assimilent la consolidation à la guérison, refusent d’établir des CMF dans le cas de certaines maladies, comme les cancers ou des pathologies chroniques. Expliquez-leur que c’est une exigence administrative plus que médicale et qu’ils peuvent joindre leur confrère, médecin conseil de la Caisse, qui le leur confirmera. Des victimes peuvent également refuser la consolidation, parce qu’elles ont encore besoin de soins et qu’elles craignent de perdre leur prise en charge : pas d’inquiétude, la consolidation peut s’accompagner d’un protocole de soins, pour qu’ils soient encore pris en charge.
- ÊTRE OU NE PAS ÊTRE « CONSOLIDÉ » -
Vous êtes retraité : Il est bien d’obtenir une date de « consolidation » le plus rapidement possible afin que vous puissiez percevoir votre rente sans trop attendre : cette indemnisation s’ajoute au montant de votre pension de retraite et prend son sens en vous offrant un mieux vivre, vous soulage au moins de l’angoisse économique. L’usage veut que, dans le cas des personnes retraitées, la date inscrite sur le CMI soit la date choisie pour la consolidation, (et donc la date de début de rente).
Vous êtes encore en activité. C’est à voir au cas par cas, selon votre âge, vos projets, la gravité de votre maladie.
Vous êtes à quelques années de la retraite et vous êtes atteint d’un cancer ou d’une maladie qui vous affaiblit considérablement. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à être consolidé. Cette consolidation doit s’accompagner de démarches pour obtenir votre licenciement pour inaptitude : vous obtiendrez ainsi des indemnités de licenciement plus élevées (multipliées par deux) et vous toucherez mensuellement votre rente.
Si vous êtes âgé d’au moins 50 ans et que votre maladie est reconnue en lien avec l’amiante ou si vous avez travaillé comme ouvrier docker ou personnel portuaire sur les ports inscrits à la liste fixée par arrêté ministériel, vous pouvez également prétendre à la pré-retraite amiante, l’Allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (ACAATA). Voir la liste sur www.vosdroits.service-public.fr.
- LE CALCUL DE L’INDEMNISATION -
Selon votre taux d’IPP, vous percevrez un capital (si le taux d’IPP est inférieur à 10%) ou une rente. Il revient à la CPAM de faire un calcul compliqué, qui dépend tant de ce taux d’IPP que du montant (brut) de vos derniers salaires sur vos 12 derniers mois d’activité, c’est-à-dire avant la survenue de l’arrêt maladie, du chômage ou de la retraite.
Pour dire vite, la rente est égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité, mais l’un et l’autre vont se voir appliquer chacun des coefficients particuliers.
Ainsi, le taux d’IPP n’est compté que pour moitié pour la partie inférieure à 50 %, mais multiplié par 1,5 pour la partie supérieure. Par exemple, si le taux d’incapacité est de :
- 50% : le taux de rente sera de 50/2 = 25% du salaire annuel
- 60 % : le taux de la rente sera de 50/2 + 10X1,5 = 40 % du salaire annuel
Concernant les éléments de salaires, les pratiques des Caisses peuvent différer d’une CPAM à l’autre mais également d’un agent à l’autre : certains vont vous demander vos 12 dernières fiches de paye, d’autres vont solliciter directement l’employeur. En tout état de cause, et pour ne pas perdre de temps à cette étape, vous pouvez vous-mêmes et sans attendre transmettre la copie de vos 12 dernières fiches de paye, celles qui rémunéraient votre travail avant votre arrêt maladie. Si vous n’êtes plus en activité et que vous avez jeté ou perdu vos fiches de paye (au moment du départ en retraite par exemple), faites-le savoir par courrier au service ATMP. Votre rente sera alors évaluée sur la base du salaire annuel minimum de référence.Celui-ci s’élève à 18 263,54 € au 1er janvier 2014.
L’indemnisation de la maladie professionnelle ne concerne pas tous les préjudices – physiques, moraux, esthétiques, d’agrément – que vous subissez du fait de celle-ci. Elle est dite « forfaitaire » et se fonde normalement sur votre perte de revenu.
Si votre maladie a été reconnue en lien avec l’amiante, vous pourrez également déposer une demande d’indemnisation auprès du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). Dans ce cas, il est fortement recommandé d’être accompagné par un avocat.
L’indemnisation des MP et celles obtenues devant le FIVA ne sont pas imposables. Elles concernent autant les victimes que, en cas de décès, leurs ayants droit.
- EN CAS DE DÉcÈs : LES DÉMARCHES DES AYANTS DROIT -
Si la victime d’une maladie d’origine professionnelle décède en cours de procédure ou si elle est décédée avant même de s’engager dans la procédure de déclaration en MP, les ayants droit sont concernés, à condition qu’ils puissent établir « que le décès est survenu des conséquences de la MP ou tout au moins que les conséquences de la maladie professionnelle ont joué un rôle déterminant dans le décès de la victime ». Il convient alors de se rapprocher d’un médecin (de préférence le médecin traitant qui a suivi la maladie ou le médecin spécialiste) pour qu’il établisse un certificat établissant le lien entre la maladie et le décès, sous la forme par exemple : « Je soussigné Dr Xxxxxx certifie que M. Z est décédé le 25 janvier 2012 des suites de sa maladie (la désigner) diagnostiquée le 7 octobre 2009. »
Cette démarche n’est pas facile à vivre mais elle est toutefois indispensable : en effet, si la victime est décédée d’un accident de la route par exemple, l’accès au droit à réparation n’est pas possible. En clair, la possibilité d’une réparation des préjudices n’existe qu’à condition que ce préjudice soit en cause dans la survenue du décès.
Certains médecins refusent de fournir ce certificat, parfois par frilosité, parfois parce qu’ils pensent bien faire et vous éviter des soucis avec certaines assurances. Il faut alors leur expliquer l’enjeu.
Si la victime de la maladie était déjà engagée dans les démarches de déclaration en MP, que son dossier soit en cours de procédure ou déjà reconnu, il faut rapidement fournir l’avis de décès accompagné de ce certificat qui fait le lien entre le décès et la maladie.
Si la victime est décédée sans déclarer sa maladie, les ayants droit peuvent la déclarer à l’appui d’un CMI et du certificat qui fait le lien entre le décès et la maladie.
Dans les deux cas, l’instruction portera également sur le décès. Selon les pathologies, cela ne sera qu’une formalité, sur dossier médical (pour le cancer du poumon par exemple), mais la CPAM peut parfois proposer une autopsie.
- LA NOTIFICATION DE RENTE -
Au terme de la consolidation, de l’établissement du taux d’IPP et du calcul du montant de la rente, vous recevrez en courrier recommandé avec accusé de réception une « notification de rente ». Elle se présente sous forme d’une grille remplie de chiffres et de montants pas toujours faciles à décrypter et donc à vérifier. Doivent notamment y figurer le montant de vos salaires annuels (les derniers), le taux d’IPP qui vous a été appliqué.
Sans trop entrer dans le détail, vous devrez alors vérifier :
- Si cette notification est provisoire ou définitive. Pour cela, vérifier d’abord le titre de cette notification. Ensuite, si dans la première ligne concernant les salaires, il est inscrit « dans l’attente des éléments de salaire » ou non.
- La date de début de rente : pas de souci s’il s’agit de la date du CMI (donc parfois 6 mois, voire 1 an en arrière) mais sinon vérifier si elle correspond à la date à laquelle votre maladie a été consolidée.
- Selon cette date de début de rente, vous aurez droit à des arriérés ou non : vérifiez-en également le montant.
- En bas de la page, il vous est indiqué que vous pouvez demander le rapport médical dans les 10 jours : demandez-le, vous pourrez en avoir besoin, pour comprendre comment votre taux d’IPP a été fixé, pour éventuellement le contester ou dans le cas où vous sollicitiez ensuite le FIVA. Le plus souvent, il n’est mentionné aucune adresse ni interlocuteur auxquels envoyer cette demande : n’hésitez pas appeler le 3646 pour le signaler (en espérant que ça change !) et demander à quelle adresse l’envoyer (en général le médecin conseil de la Caisse).
Si vous n’arrivez pas à recevoir les informations, demander le rapport médical par lettre recommandée au médecin conseil.
- LA RENTE D’AYANTS DROIT -
La victime d’une maladie professionnelle dont le taux d’IPP est supérieur à 10 % a donc droit à une rente de réparation qui indemnise certaines de ses séquelles. Elle est versée tout au long de sa vie (rente viagère).
En cas de décès et si celui-ci est également reconnu comme professionnel, ses ayants droit peuvent également prétendre à une rente.
- Pour le ou la conjoint-e : 40 % du salaire de la victime s’il/elle est âgé-e de moins de 55 ans, 60 % s’il/elle est âgé-e de plus de 55 ans.
- Pour les enfants (légitimes, naturels, reconnus ou adoptifs) âgés de moins de 20 ans : 25% pour les deux premiers puis 20 % par enfant.
la CPAM refait donc le plus souvent un calcul pour ne pas dépasser ce plafond.
Dans le cas où la victime décède en cours de procédure et que sa maladie puis son décès sont reconnus professionnels, une notification de rente sera établie au nom du défunt pour la période courant de sa date de consolidation à la date de son décès, sous la forme d’arriérés, délivrés au ou à la conjoint-e.
Dans le cas où la déclaration a été établie après le décès de la victime, la date de début de rente d’ayant-s droit n’est pas la date d’enregistrement mais la date du décès. Plusieurs caisses n’appliquent cependant pas cette règle, il ne faut pas hésiter à contester si besoin.
Toute notification de refus ou de prise en charge doit mentionner vos possibilités de contester les décisions, vos « voies de recours ». Si ces courriers ne les mentionnent pas (une situation de plus en plus rare), la CPAM est en faute. Il existe plusieurs types de contentieux qui, chacun, nécessite des démarches différentes.
- CONTESTER LE REFUS DE RECONNAISSANCE -
Un refus de reconnaissance peut se baser sur plusieurs arguments :
Un désaccord sur le diagnostic
C’est lorsque le médecin conseil de la CPAM refuse le diagnostic inscrit par votre médecin sur votre CMI. Dans ce cas, il vous faudra demander une « expertise médicale ». Le délai pour le faire est un mois. L’expert médical sera désigné d’un commun accord entre votre médecin et le médecin conseil de la CPAM, à partir d’une liste de 3 noms proposée par la Caisse. Votre médecin sera sollicité pour argumenter son avis. Aidez vous d’un soutien éclairé en matière médicale.
Un désaccord sur les critères administratifs
Le plus souvent la réalité des expositions ou l’activité de travail.
La première démarche à accomplir est de solliciter la Commission de recours amiable (CRA), qui siège au sein de la Caisse, dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la notification de « refus de prise en charge ». Comme cette commission ne se prononce que sur dossier, il faut joindre à votre courrier de contestation toutes les pièces nécessaires à votre argumentaire. Le plus souvent, elle ne répond pas dans le délai qui lui est imparti (voir ci-dessous) et s’aligne sur la décision déjà rendue par la Caisse. Si c’est le cas, vous avez deux mois pour saisir le TASS.
Mais, si la CRA n’a pas répondu dans un délai de 1 mois, vous pouvez saisir sans attendre le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de votre département de résidence. Cela permet de gagner un peu de temps sur les délais de traitement des recours.
Le TASS est un tribunal présidé par un magistrat professionnel, assisté par deux assesseurs – l’un représentant les salariés, l’autre les employeurs. Vous pouvez défendre seul votre dossier devant le TASS, ou vous faire représenter par un membre de votre famille, par un salarié ou représentant syndical muni d’un pouvoir ou par un avocat.
Le TASS va enregistrer votre demande mais, le plus souvent, attendre la décision rendue par la CRA avant de programmer une audience. Cette audience sera bien sûr contradictoire : vous aurez contre vous, la Caisse mais parfois aussi l’employeur et/ou son avocat.
Il est vivement recommandé de ne pas se lancer seul dans le contentieux. Pour défendre votre dossier, vous aurez besoin d’attestations, de témoignages, que le collectif peut vous apporter. De même, l’intervention d’un avocat – à condition qu’il soit spécialisé, dans le droit très complexe de la Sécurité sociale – peut être déterminante.
En cas d’avis favorable de la CRA (ce qui est rarissime) il faudra vous désister de votre action devant le TASS sous peine de payer des frais de justice inutilement.
- CONTESTER LE TAUX D’IPP -
Avant de contester votre taux d’IPP, sachez qu’il est également possible de le réviser, si votre état s’est aggravé depuis la fixation du taux initial. Cette démarche est possible à tout moment dans les deux années qui suivent la date de consolidation et, ensuite, une fois par an. Elle doit s’appuyer sur un certificat médical qui décrit précisément vos incapacités.
Le taux d’IPP est fondé sur la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la personne concernée, sa qualification professionnelle. Il devrait donc intégrer, au-delà de l’aspect purement médical, la notion de déclassement professionnel, autrement appelé « coefficient professionnel ». Par exemple – et pour prendre une image simple – le doigt coupé d’un pianiste qui a davantage de conséquence sur son activité que celui d’un plombier devrait entraîner un coefficient professionnel plus important.
En réalité, peu de Caisses appliquent ce coefficient professionnel. Par ailleurs, il est apparu que des médecins conseil ne respectaient pas le barème en vigueur pour l’indemnisation des ATMP (voir le numéro 84 de Santé et travail et Le Monde du 9/10/2013 : « La CNAM accusée de vouloir réduire les indemnités des salariés en incapacité »). Ainsi, pour prendre l’exemple du cancer broncho-pulmonaire, les taux d’IPP pouvaient être largement inférieurs à la fourchette des 67% à 100% fixée par le barème annexé au CSS. Il faut enfin savoir que le barème en question est indicatif or dans la pratique, les médecins conseil ont tendance à l’appliquer strictement et non au cas par cas, selon l’incidence professionnelle que l’incapacité cause à chaque victime.
Si vous souhaitez contester votre taux d’IPP, le recours s’effectue auprès du Tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) de votre département de résidence. Cette procédure est simple.
Comme pour le TASS, vous pouvez défendre seul votre dossier devant le TCI, ou vous faire représenter par un membre de votre famille, par un salarié ou représentant syndical muni d’un pouvoir (mandat) ou par un avocat. Vous pouvez être assisté par un médecin de votre choix lors de l’expertise médicale qui vise à déterminer votre taux d’IPP. En tout état de cause, veillez bien à vous y rendre avec tous vos comptes rendus médicaux et vos clichés.
Si vous souhaitez contester la décision rendue par le TCI, vous avez cette fois 1 mois pour le faire, auprès de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (Cnitaat) qui se situe à Amiens. Vous et/ou votre avocat devront alors présenter un mémoire dans un délai assez court, après réception par la Cour de votre demande d’appel.
- LES EMPLOYEURS PEUVENT ÉGALEMENT CONTESTER -
Les employeurs sont passés rois dans l’art de contester les reconnaissances en MP, à toutes les étapes et notamment à celle de la reconnaissance et à celle de l’établissement du taux d’IPP. Il se peut donc que votre employeur conteste auprès des tribunaux la prise en charge de votre MP ou le montant de votre taux d’IPP. Ces démarches ont surtout pour objectif d’obtenir « l’inopposabilité » des décisions à son encontre, c’est-à-dire qu’il n’ait pas à payer la réparation.
- CONTESTER LE MONTANT ET/OU LE POINT DE DÉPART DE LA RENTE -
À la réception de la notification de rente, vous pouvez observer que le montant de vos salaires pris en compte n’est pas le bon ou que la date de début de rente n’est pas correcte.
Dans ce cas, vous pouvez contester en respectant le même parcours que pour un refus de reconnaissance administrative : en adressant d’abord une demande à la CRA, puis en saisissant le TASS.
À savoir
Un arrêt de la Cour de cassation de juin 2011 précise que la date de début de rente doit remonter à la date de la première constatation médicale. Mais les Caisses n’appliquent pas cette décision : il peut donc être nécessaire de saisir la CRA puis le TASS, mais cette décision est à étudier au cas par cas. Bien peu de juges en première instance (TASS) respectent cette jurisprudence.
Pour rappel, dans le cas où la déclaration a été établie après le décès de la victime, la date de début de rente d’ayant-s droit n’est pas la date d’enregistrement de cette DMP mais la date du décès. Plusieurs caisses n’appliquent cependant pas cette règle, il ne faut pas hésiter à contester si besoin.
- LES DÉLAIS DE RECOURS -
Toute notification de refus doit comporter mention des délais et voies de recours dont vous disposez. Mais attention, recourir au contentieux nécessite de respecter strictement les délais, faute de quoi vous ne pourrez plus contester la décision avec laquelle vous n’êtes pas d’accord. On parle de « délais de forclusion ». Le plus souvent, ils sont de 2 mois, sauf en cas la Cour d’appel ou la CNITAAT.
Toutes les lettres de recours, pour être valable, doivent être adressées en recommandé avec accusé de réception, afin de conserver la preuve de l’envoi et du respect des délais, le cachet de la poste faisant foi.